Hommage à Rudolf Noureyev : le reprise du ballet ‘Raymonda’ à l’Opéra de Paris
Comment ai-je raté la création en 1983 ? Je ne me pardonnerai jamais ! En fait, je n’ai jamais eu le privilège non plus de voir l’artiste danser sur scène. En revanche,
un matin à Oxford, le hasard extraordinaire fait qu’il a quitté son hôtel au moment où je passais devant sur le trottoir, cheminant pour les répétitions au Sheldonian Theater d’un ‘Messie’ de Händel… En haut de l’escalier, protégé par son entourage, cerné de journalistes, d’une foule de fans, Noureev trônait de manière inoubliable. Il portait un énorme chapeau russe, très haut, en fourrure de vison, drapé d’écharpes somptueuses et de châles mordorés, le corps enveloppé d’un manteau de fourrure exotique jusqu’au sol… qui laissait entrevoir pourtant des bottes en cuir damasquiné. Une apparition qui me reste en mémoire.
Moi qui, à New York, n’a jamais raté l’occasion de voir Baryschnikov avec l’American Ballet Theater par exemple, je ne résidais jamais à Londres au bon moment. A Paris j’ai été pris dans le cyclone de mes autres activités à la grande époque où Noureyev est venu diriger l’un des deux meilleurs ballets du monde, mais aussi créer des nouvelles chorégraphies, dont celle-ci, et y participer comme vedette. Une époque de faste…
La reprise que j’ai eu le privilège de voir hier soir évoque justement le mot de fastueux, avec l’excellence française, l’amour du détail. Sans avoir la prétention ou les compétences d’en faire pour vous le compte rendu, je tiens à signaler la qualité musicale, la technique remarquable de toute la troupe et notamment des étoiles. Scéniquement ce fut un éblouissement. Les costumes ? Je me rappelle un metteur en scène qui me décrivait une Carmen : « Oui, une gitane, » disait-il, « mais une gitane genre Yves St. Laurent ! » C’est un peu cela. On avait des Sarrasins, des Espagnols, des gitanes, mais habillés avec un certain goût… un goût certain.
L’intrigue se passe vaguement au moyen-âge… imaginez-vous les photos de Noureev chez lui dans son appartement somptueux sur les quais, avec des rares tissus en brocart, des draperies, des franges et passementeries aux couleurs chatoyantes, des lanternes, des tapisseries précieux… essayez de vous rappeler quelques tableaux « exotiques » très colorés d’Eugène Delacroix ou de Rembrandt !
A part les solos, l’un plus impressionnant que l’autre, au moins deux coups de théâtre restent pour moi inoubliable : une scène de combat qui fait penser à la Bataille d’Anghiari (Léonard de Vinci), mais dorée et scintillante, en mouvement, sans parler d’une transformation à vue où apparaît une gigantesque tente orientale aux couleurs ravissantes et nuancées, qui remplit littéralement la scène du haut en bas, apparue l’espace de trois secondes devant nos yeux! A couper le souffle !
Le dernier chef d’œuvre de Marius Petitpas au Théâtre Mariinski à St. Pétersbourg (1898), ‘Raymonda’ est rare dans le répertoire. Il reste une synthèse à mon avis du ballet romantique, de style classique-romantique, grandiose : une perfection pour ainsi dire, de tous points de vue.
Il parait qu’il ne reste pour la saison que des places dans les catégories les plus chères, mais franchement, si vous voulez faire vraiment plaisir à quelqu’un pour les fêtes, il ne faut pas hésiter.