Biographie
Gregory Reinhart, chanteur d’opéra d’origine américaine, est né le 18 juin 1951 à Pavilion,
dans l’Etat de New York.
Avant de venir en France, Gregory Reinhart reçut une formation au New England Conservatory of Music à Boston, où il fut l’élève de Mark Pearson, qui lui donne le goût de chanter la mélodie française.
(Dictionnaire des Interprètes, d’Alain Pâris, Robert Laffont, pg 797)
En 1978 Gregory Reinhart décide de peaufiner sa technique à Paris, et de continuer son parcours d’études avec Patricia Brinton Becirovic. Décision déterminante pour le jeune chanteur qui rencontre rapidement le compositeur Noël Lee, et les musiciens William Christie et Jean-Claude Malgoire. A cette époque il prend également les conseils de Gérard Souzay, Pierre Bernac et Camille Maurane. Il prépare aussi des rôles avec la pianiste légendaire Irène Aïtoff, qui l’accompagne également dans ses auditions. En 1980 il fait la connaissance du musicologue Jacques Chuilon, qui devient son partenaire, et au fil des années son unique maître de chant.
Il devient très vite un « chanteur français ».
Exprimant sa passion pour la recherche et la redécouverte de partitions oubliées, Reinhart devint l’un des fondateurs des Arts Florissants, et dès le début, un des piliers de cet ensemble aux côtés d’Agnès Mellon, Guillemette Laurens, Jill Feldman, Dominique Visse, Étienne Lestringant, Michel Laplénie, et Philippe Cantor. Il marque de son extraordinaire voix de basse certains des meilleurs enregistrements réalisés par Les Arts Florissants au début des années 1980, comme Altri Canti (madrigaux des VIIe et VIIIe livres de Claudio Monteverdi) en 1981, la Pastorale sur la Naissance de N.S. Jésus-Christ H 483 de Marc-Antoine Charpentier en 1981, l’oratorio Il pecator pentito de Luigi Rossi en 1982, ou encore Il Ballo delle Ingrate de Monteverdi en 1983, où il est inoubliable dans le rôle de Plutone, qu’il reprend plusieurs fois dans sa carrière, notamment à Palerme.
A cette même époque, Reinhart intègre Le Groupe Vocal de France, tout juste réorganisé et dirigé par John Alldis. Il y reste deux ans, et rencontre Olivier Messiaen, Gilbert Amy, et d’autres compositeurs français. Cette formation, subventionnée par l’Etat, fournit au jeune chanteur le double levier de salarié et de résident en France, lui permettant de s’établir d’une manière définitive.
Grâce à sa rencontre avec Jean-Claude Malgoire, Gregory Reinhart entame sa carrière de soliste à Paris par un concert à la Conciergerie, dans la Cantate 82, Ich habe Genug de Bach, avec la Grande Ecurie et la Chambre du Roi. Ce concert fut une révélation, suivi d’une grand nombre d’autres concerts avec cette formation à travers la France, dans Le Messie de Haendel, les Passions de Bach, et notamment la musique des compositeurs français dont Marc-Antoine Charpentier, Delalande, Lully, Gilles, et surtout Jean-Philippe Rameau, partitions souvent données pour la première fois à notre époque. Cette période fut aussi fructueuse en collaboration discographique avec Malgoire, et Gregory Reinhart passe des heures de recherches musicales dans la Bibliothèque Nationale de Paris, ou la Bibliothèque de la ville de Hambourg, et produit de sa main ses propres transcriptions des œuvres de Charpentier et Rameau ou de Haendel, qu’il enregistre au disque ou donne en concert.
C’est en 1981, avec le rôle-titre du Roi Théodore à Venise de Paisiello (version originale française), pour l’inauguration de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, à l’invitation de Malgoire, Gregory Reinhart fait ses débuts sur scène en France. Ce début fut particulièrement remarqué par les grands journaux parisiens y compris la presse nationale. Le spectacle dès 1981 assure sa réputation nationale.
« C’était l’occasion de découvrir en l’Américain Gregory Reinhart un roi Théodore au très beau timbre et au phrasé musical. » Brigitte Massin, Le Matin de Paris, 7 nov. 1981
« En tête de la distribution, Gregory Reinhart, un New-Yorkais qui a bien perdu son accent et fait apprécier un somptueux timbre de basse. » Georges Sueur, Nord-Eclair, 5 nov. 1981
« C’est Gregory Reinhart qui impressionne le plus sur le plan vocal dans les trois airs – si différents – du Roi Théodore. » Claude Fabre, Liberté, 5 nov. 1981
« Gregory Reinhart a porté le grand rôle de Théodore sans fatigue, aussi à l’aise dans la force que dans les demi-teintes. Gerard Condé, Le monde, 11 nov. 1981
Carrière internationale
Gregory Reinhart fut un des pionniers de l’opéra avec instruments anciens, notamment pour l’année Rameau en 1983.
Pour les célébrations du tricentenaire de la naissance de Jean-Philippe Rameau, Gregory Reinhart est choisi par le Théâtre du Châtelet (co-production avec La Fenice de Venise) pour incarner Huascar dans Les Indes galantes, avec une somptueuse nouvelle production à Paris, la première à cette échelle jouée entièrement sur instruments anciens. Signalé unanimement pour sa prestation par la presse internationale, télévisée par Antenne 2 et sur France Musique, il se distingue particulièrement par la beauté de son timbre, sa diction parfaite, et comme acteur, dans les décors et costumes de Pier-Luigi Pizzi, qui le promeut désormais en France et en Italie.
“Gregory Reinhart brought both style and vocal strength to the roles of Bellone in the prologue and Huascar in the Inca scene,” David Stevens, International Herald Tribune, 1 June, 1983
« L’or, la pourpre, l’azur : l’esthétique de Rameau est précieuse, pas ridicule. Les voix de Véronique Dietschy ou de Gregory Reinhart font de Rameau le plus grand compositeur français. » Jacques Drillon, Le Nouvel Observateur, 17 juin, 1983
Son talent rare pour l’interprétation de la musique du XXème siècle, remarqué d’abord dans le Groupe Vocal de France, lui ouvre les portes avec Pierre Boulez avec son Ensemble intercontemporain, avec lequel il donne de nombreux concerts de Schoenberg ou Stravinsky ainsi que des créations mondiales à travers la France, notamment dans l’Auditorium de la Maison de la Radio ou à la Grange de Meslay.
Mais c’est avec l’Opéra de Paris que Gregory Reinhart a l’occasion entre 1984 et 2012 de démontrer pleinement les ressources de sa technique vocale, son adaptabilité aux styles, aux langues contrastées, avec son goût particulièrement éclectique, allant de Haendel et Cimarosa à Berlioz, Rossini, Janáček, Strauss, Hindemith, et des créations mondiales de Henze, Fénelon, Manoury et Dusapin, avec les meilleur chefs et metteurs en scène. D’abord dans la Salle Favart, puis à l’Opéra Garnier, et surtout sur la scène de la Bastille, salle qu’il inaugure en 1990 dans la première version intégrale à l’Opéra de Paris de Les Troyens de Berlioz, la grandiose production d’ouverture de la nouvelle salle, qui lui offre désormais une carrière internationale. On l’entendra à l’Opéra de Paris dans plus de 200 représentations.
MémOpéra – Gregory Reinhart (memopera.fr)
Mais il reste très demandé et toujours très attaché pendant ces années à la France.
À Nice, où il fut invité pendant une dizaine d’années, il est demandé pour chanter son premier Sarastro dans Die Zauberflöte, et son premier Roi Marke dans Tristan und Isolde, rôles qu’il reprendra de nombreuses fois à l’étranger, en Allemagne puis aux USA.
Gregory Reinhart chante régulièrement sur des scènes françaises comme le Théâtre National de Strasbourg, Théâtre National de Bordeaux, Théâtre National de Lyon, à Nancy, Avignon et d’autres festivals comme Aix-en-Provence, Évian, ou Orange au Festival de l’Art Lyrique.
Concertiste au répertoire très varié, il est demandé pour ses récitals de mélodies avec piano par le Théâtre du Châtelet, l’Auditorium des Halles, l’Opéra de Nice, le Festival d’Aix en Provence, le Festival de Saintes, pour des concerts publics de Radio France et France Musique, ou avec l’Ensemble intercontemporain, en plus de récitals privés à Paris, Bruxelles, ou New York. Il enregistre notamment un disque dédié à des mélodies de Gabriel Fauré, avec Dalton Baldwin, piano (Harmonia Mundi).
A well-tempered Reinhart returns to Boston after 10 years in France, The Boston Globe, Sun, Apr 12, 1987 https://bostonglobe.newspapers.com/image/430752021
A l’Opéra de Monte-Carlo, Gregory Reinhart fera la création mondiale du rôle de Basil Hallward dans l’opéra Dorian Gray de Lowell Liebermann.
En Italie, Gregory Reinhart est invité par le Festival Rossini de Pesaro pour chanter en français le Gouverneur du Comte Ory, rôle qu’il reprendra ensuite avec des critiques élogieuses à Venise dans le Théâtre La Fenice, puis à Lyon, Nice, et Toulouse, et enfin au Festival d’Aix-en-Provence.
Pour The Royal Opera House, Covent Garden, il étrenne le rôle de Zuniga de Carmen, en Israël, au Festival de Jérusalem, avec des dialogues parlés en français, en plein air sous les étoiles devant les remparts de la vieille ville.
Au Théâtre des Champs-Elysées, il participe à de nombreux concerts et plusieurs opéras. Du répertoire français on relève son truculent Caron dans Alceste de Lully (« Il faut passer tôt ou tard dans ma barque ») au côtés du vétéran Michel Dens, et bien sûr son Arkel dans Pelléas et Mélisande de Debussy, toujours bien applaudi par le public et par la critique internationale.
“PARIS. Gregory Reinhart’s Arkel cut a strong, disturbing profile, singing with lusty, black-toned resonance and touching humanity in this musically unforgettable evening.” Stephen J. Mudge, Opera News, Sept 2007
Aux USA, Reinhart incarne le Commandeur de Don Giovanni au Festival de Santa Fe, rôle qu’il reprend plus tard pour inaugurer le Festival Lacoste créé par Pierre Cardin en Provence, puis à Avignon dans le Grand Théâtre.
Reconnu comme spécialiste des rôles de basse de Haendel depuis ses premiers collaborations avec William Christie, Reinhart vient plusieurs saisons au HaendelFestspiele de Halle-an-der-Saale, Allemagne (ville de naissance du compositeur), d’abord avec Zoroastro dans Orlando, rôle qu’il avait déjà chanté de nombreuses fois en Hollande, en France, et en Italie avec Ton Koopman et son Orchestre Baroque. Après son succès dans le rôle de Claudio, dans Agrippina, Reinhart est invité au New York City Opera pour incarner ce même personnage, particulièrement exigeant vocalement et scéniquement. Son succès lui vaut une invitation de revenir la saison suivante pour exploiter ses ressources humoristiques avec Pooh-Bah, dans Mikado. Toujours de Haendel, il triomphe aussi aux côtés d’Arleen Auger fêtant ses retrouvailles avec William Christie dans une belle production d’Alcina, d’abord au Grand théâtre de Genève puis à Paris, toujours au Châtelet, en 1990.
“Gregory Reinhart was excellent as Melisso (much better than John Tomlinson on the record). He is in perfect control of a voice which is consistent from top to bottom.” Maurice de Galvaert, Opera Magazine (UK) oct 1990
Gregory Reinhart représente la France de nouveau dans ses débuts à San Francisco au War Memorial Opera House, dans le rôle du magicien Tchelio de L’Amour des Trois Oranges (version originale française) sous les auspices de L’ONU, célébrant leur 50ème anniversaire, ceci dirigé par Kent Nagano. Créée à Lyon, puis donné à Strasbourg et au Festival d’Aix en Provence, puis encore à San Francisco, cette production fut enregistrée et disponible en DVD.
L’Opéra de San Carlo de Lisbonne l’engage pour chanter au pied levé le rôle écrasant de Hagen dans Götterdämmerung. Après ce succès il est invité pour la première fois en Amérique de sud, au Theatro Municipal de São Paulo (Brésil) qui le demande pour Hunding dans Die Walküre. Ce début inattendu lui ouvre une nouvelle carrière au Brésil : successivement Hagen de Götterdämmerung, Osmin dans L’Entfürung aus dem Serail, enfin Don Quichotte de Massenet.
Au Metropolitan Opera de New York Gregory Reinhart avait eu l’occasion de débuter dans le Deuxième homme d’armes de Die Zauberflöte sous la direction de James Levine; depuis il est invité comme Principal Artist pour préparer des rôles de Wagner comme le Roi Marke, Gurnemanz, Landgraf, Fasolt, Hunding et Hagen. Il y travaille également comme doublure pour les rôles de Sarastro et le Commendatore.
Avec The Washington National Opera, il incarne une autre spécialité de son répertoire français, le Vieillard hébreux de Samson et Dalila sous la direction de Plácido Domingo, rôle qu’il avait abordé en France, en concert avec James Conlon et l’Orchestre de Paris. Ce personnage lui permit également de se produire à l’Opéra de San Diego en Californie, où il est très apprécié par la critique.
Souvent demandé pour son philosophe Sénèque dans Le Couronnement de Poppée de Monteverdi, il est considéré un des meilleurs Sénèque sur disque, possédant
« une voix magnifique de basse, ferme et claire tout le long d’un large ambitus. » (The Metropolitan Opera Guide to Recorded Opera, Gruber, 1993, pg. 267)
Après l’avoir étrenné avec Jean-Claude Malgoire et Jean-Louis Martinoty en 1981 et 82, le rôle de Sénèque lui porte toujours de la chance, notamment à Londres, à Paris, et Oslo, puis ses deux enregistrements intégraux du rôle.
Mais dans le répertoire français qu’affectionne particulièrement Gregory Reinhart il faut mentionner son interprétation d’Arkel dans Pelléas et Mélisande dirigé par Bernard Haitink en 2007 au Théâtre des Champs-Élysées, filmé par ARTE, ainsi que son incarnation en 2012 à New York au Carnegie Hall, avec l’American Symphony Orchestra, du vieux soldat Mucien dans le Bérénice, rareté du compositeur français Albéric Magnard, mais surtout son Don Quichotte de Massenet, une production créée pour lui au Brésil, en co-production du Theatro San Pédro à São Paulo et du Theatro Municipal de Rio de Janeiro. Cette interprétation du chevalier errant est couverte unanimement d’éloges, et l’ensemble de la production est nommée « Meilleur Production de l’Année » en 2016. Avec ce triomphe personnel, et plus de quatre décennies de chant au niveau international, Gregory Reinhart présenta ses adieux à la scène.
Naturalisé par décret en 2014, Gregory Reinhart réside toujours à Paris.
Il continue de partager ses connaissances avec la jeune génération de chanteurs. Grand collectionneur de disques du début du XXème siècle, et passionné par l’histoire de l’art, il soutient les Amis du Louvre, écrit et partage ses chroniques sur un blog. Simultanément, il travaille à la rédaction de ses mémoires.