FATHER CORNELIUS, MÉLOMANE AUSSI

« J’ai toujours compté sur la gentillesse des étrangers. »*

Que des inconnus puissent devenir tellement proches, mais seulement virtuellement… C’est étrange et me fait penser à Blanche dans le ‘Tramway nommé désir’ : « J’ai toujours compté sur la gentillesse des étrangers. » Plusieurs personnes à travers le monde ont acquis pour moi une importance incalculable, bien que nous ne nous soyons jamais rencontrés !

Avant le mois de mars de cette année, il était encore pour moi un inconnu. Mon ami Facebook (virtuel) Curzon Road m’avait écrit « Greg, tu aimerais peut-être un certain ami à moi. Vous avez beaucoup en commun, il me semble. » Il se trouva qu’il eut bien raison : nous avions beaucoup en commun, et la semaine dernière, huit mois seulement après, cette personne nous a quitté.

Father Cornelius (il paraît qu’il s’appelait Raul), follement francophile, habita Paris pendant de longues années. Mystique : d’ailleurs devenu prêtre orthodoxe il y a vingt ans. Mélomane : c’est-à-dire extrêmement callé dans les discographies, les enregistrements et le répertoire français souvent complètement oublié. Sur Facebook, il décida de se confier à moi, et nos échanges furent nombreux. Nous parlions musique bien sûr, mais aussi politique, vie quotidienne, et blagues parfois.

Lorsqu’il y a quelques semaines j’hésitai à poster quelques mélodies de Fauré, enregistrées avec Dalton Baldwin depuis longtemps déjà, Cornelius fut mon grand appui. J’appris que lui aussi avait rencontré Gérard Souzay, et qu’il connaissait parfaitement le climat de cette musique. Son enthousiasme à mon égard fut sans réserve, ses compliments sincères. C’est à la suite que j’ai monté ma petite vidéo de ‘l’Horizon chimérique’ et la publiai fièrement sur ma page.

Les derniers mois j’ai découvert que son cancer avait évolué rapidement pour le pire. Il souffrait, mais il voulait maintenir ses correspondances Messenger, ses coups de fils, et ses projets. Le dernier fut les notes de présentation pour un CD de Carmen avec Denise Scharley, pour lequel il était hautement qualifié au point de vue musicologique. Puisqu’il suivait de près mes publications, il voulait mon avis sur son écriture, et je n’ai pas hésité à lui faire des suggestions, et diverses corrections. Le résultat fut brillant, et le CD va sortir sous peu à l’étiquette de Malibran.

Récemment, il m’exprima ses deux derniers veux. Il voulait que j’allume un cierge pour lui à l’Eglise Alexandre Nevsky à Paris. Mon ami, c’est fait à présent. Enfin, connaisseur incontournable du bel canto, Cornelius voulait obtenir une copie du livre ‘Battistini, le dernier divo’ que j’ai pu, conjointement avec Curzon Road, lui faire livrer deux semaines seulement avant qu’il nous quitte. Il m’a dit qu’il lisait très lentement ces derniers temps, avec le fatigue.

J’aurais voulu pouvoir faire tellement plus, mais avec la distance… enfin, nous ne nous serons jamais rencontrés.

Repose en paix, mon ami, et merci pour la lumière et l’espoir dans ce monde insensé, qui continueront et persisteront grâce à toi.

*La citation, bien connue, de la pièce de Tennessee Williams, m’est revenue en mémoire grâce à l’amitié de Jim Fretz, que je salue et remercie par ailleurs pour sa « gentillesse ».

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